Prise en charge des malades marquisiens: le président Fritch annonce des mesures fortes

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Lors de la deuxième séance de la Session budgétaire 2019 à l’assemblée de la Polynésie française, le président Edouard Fritch est longuement revenu sur le drame ayant touché la famille du petit Hoane décédé aux Marquises, début octobre, avant d’annoncer des mesures fortes pour améliorer la prise en charge des malades.

Son intervention faisait suite à une question orale posée par le représentant marquisien du Tapura huiraatira, Benoît Kautai.

Dans sa réponse et sur la base du rapport d’étape rendu à la suite de l’enquête administrative commandée auprès de l’Arass, Edouard Fritch a pu retracer la chronologie des faits qui ont précédé le décès brutal du nourrisson, dimanche 6 octobre vers 14 heures. Un décès survenu à l’hôpital Louis Rollin de Nuku Hiva, quelques heures après son admission d’urgence et malgré tous les soins prodigués par le personnel de santé pour stabiliser son état de santé qui s’était fortement dégradé.

Ce drame a ému tous les Polynésiens et relance, si besoin est, la question des conditions d’évacuation sanitaire entre un archipel éloigné, en l’occurrence les Marquises, et le CHPf du Taaone à Pirae, île de Tahiti.

Au préalable, le président Fritch s’est dit naturellement « préoccupé par la santé de nos compatriotes, quel que soit leur lieu de résidence », tout en rappelant les nombreux investissements consacrés ces dernières années aux Marquises pour mettre à niveau les équipements et structures de la direction de la santé.

Il n’en reste pas moins que l’Arass a d’ores et déjà établi un certain nombre de préconisations pour améliorer la prise en charge des malades marquisiens. La principale a trait à l’installation d’un scanner à Taiohae pour améliorer le diagnostic. « Des crédits seront inscrits au prochain collectif budgétaire », a annoncé E. Fritch. Précisons que 200 patients en moyenne chaque année font l’objet d’une « évasan » pour passer un scanner à Tahiti, engendrant ainsi un coût de 25 millions de Fcfp pour la collectivité.

Le président Fritch s’est également dit favorable à ce que les malades puissent embarquer en priorité sur les vols commerciaux de la compagnie Air archipels, filiale d’Air Tahiti. Ce qui n’est pas le cas actuellement! Par ailleurs, il a jugé « intolérable » l’arrêt actuel de la desserte appelé de surcroît à se prolonger dans le temps. Raison pour laquelle le ministre de tutelle doit saisir l’opérateur sur la question de la continuité du service public. Parallèlement, une autorisation de programme de 150 millions de Fcfp figure bien au budget général du Pays pour la construction d’une navette maritime dédiée au groupe Nord. L’appel d’offres sera lancé prochainement.

Enfin, les Marquises peuvent-elles prétendre comme beaucoup le souhaitent à des moyens héliportés ? Pourquoi pas…mais cela aura un coût tant cette exploitation ne sera pas rentable, a prévenu Edouard Fritch. Après étude de faisabilité, Tahiti Nui Hélicoptères, filiale d’Air Tahiti Nui, pourrait se voir confier cette nouvelle mission, courant 2020, si tant est, qu’au préalable, les infrastructures sur place soient remises aux normes.

Photo: Facebook « Quoi de 9 Ua Pou »

L’intervention du président Fritch dans son intégralité

Monsieur le représentant,

Je vous remercie pour votre question qui m’offre, une nouvelle fois, l’occasion de m’associer à la douleur de la famille et des proches du petit Hoane.

Le décès tragique de ce nourrisson a suscité une immense émotion dans notre Pays et j’y suis particulièrement sensible, tout autant que le gouvernement et l’ensemble de notre assemblée.

Je souhaite toutefois préciser, car beaucoup de choses ont été dites et sont encore dites sur le sujet, notre gouvernement n’a pas oublié l’archipel des Marquises en matière de santé.

Vous le rappelez d’ailleurs dans votre intervention, et je vous en remercie monsieur le représentant, le budget de la Santé a été abondé ces dernières années pour l’augmentation du personnel médical dans l’archipel, pour la mise à niveau de l’hôpital et des centres de soins dans chaque ile ou pour l’équipement en oncologie.

Après un audit effectué en 2017, un programme de rénovation et de remises aux normes des infrastructures a été planifié sur 3 ans. Ainsi, les budgets d’investissements qui s’élevaient à 37,7 millions en 2017 ont été portés à 82 millions en 2018 et 110 millions en 2019.

Sur le plan humain, et malgré les difficultés de recrutement pour ces postes isolés, un deuxième poste de médecin a été créé en 2017 pour les centres médicaux de Atuona et Ua Pou. Pour Atuona, le deuxième médecin prendra ses fonctions le mois prochain. Hiva Oa accueille également 4 infirmiers et une sage-femme, un deuxième poste restant à pourvoir.

Pour les îles de Fatu Hiva, Ua Huka et Tahuata, un infirmier est en poste et un deuxième est en cours de recrutement pour chaque île par voie de concours.

Le centre médical de Ua Pou dispose de deux médecins, dont un urgentiste, et de trois infirmiers diplômés d’Etat. C’est cette équipe médicale qui a pris en charge le petit Hoane.

Vous le savez, sitôt que j’ai appris ce drame, j’ai demandé à l’Agence de régulation de l’action sanitaire et sociale (ARASS) de diligenter une inspection pour savoir s’il y avait eu des défaillances. Cette inspection a été confiée à une inspectrice de santé publique et à une inspectrice de l’action sanitaire et sociale.

Je n’ai pas encore connaissance du rapport final de cette inspection qui s’est achevée hier et qui a nécessité de nombreuses auditions et investigations, tant à Tahiti que dans l’archipel.

Un rapport d’étape m’a été transmis en début de semaine.

Dans ce rapport, il est rappelé que trois évasans avaient été assurés entre le 5 octobre et le 7 octobre par les équipes médicales des Marquises.

Ce rapport d’étape portait principalement sur les conditions et le déroulement de l’évacuation sanitaire de l’enfant le dimanche 6 octobre.

Des éléments en ma possession, il ressort qu’il n’y a pas eu de dysfonctionnement dans les procédures liées à l’évacuation sanitaire.

Le samedi 5 octobre au soir, le médecin d’astreinte du centre médical de Hakahau a pris contact avec le médecin de l’hôpital Louis Rollin de Nuku Hiva pour organiser le lendemain le transfert du nourrisson pour une prise en charge et une surveillance hospitalière. Il n’y avait alors pas de signe de gravité avéré pour les médecins.

Le dimanche 6 octobre à 5 h du matin le médecin de Hakahau a contacté le SAMU, une dégradation brutale de l’état de santé de l’enfant étant apparue dans la nuit.

Une évacuation sanitaire d’urgence vers le CHPF de Taaone a été décidée, après un passage indispensable par l’hôpital de Taihoae afin de préparer le bébé à un trajet de plusieurs heures en avion.

Toutes les options ont alors été envisagées, tant pour le transport de Ua Pou vers Nuku-Hiva, puis de Nuku-Hiva à Papeete. En l’absence d’autres moyens rapidement disponibles, il a été décidé, à 6 h du matin, de transporter l’enfant par speedboat. La traversée s’est effectuée en 1h30 dans de mauvaises conditions de mer, en présence du médecin et d’une infirmière.

A l’arrivée à l’hôpital, 2 minutes après que le brancard ait été débarqué, le nourrisson a été pris en charge par le médecin réanimateur, l’infirmière anesthésiste et un médecin généraliste avec des gestes adaptés à son état clinique nous dit le rapport.

Dans le même temps le SAMU a déclenché un avion d’Air Archipels pour l’évacuation sanitaire pour une arrivée prévue à 14 h à Nuku Hiva.

Après 3 h 30 de surveillance et de soins intensifs, l’état de santé du nourrisson s’est à nouveau brutalement dégradé. L’enfant est décédé à 14 h malgré les soins prodigués par les réanimateurs pendant une trentaine de minutes.

Voici les éléments que je peux vous communiquer sur la chronologie des faits qui ont précédé le décès de ce jeune enfant.

Depuis 2007, l’archipel des Marquises ne dispose plus d’hélicoptère pour la prise en charge urgente des patients, la compagnie s’étant retirée de cette desserte. Pourtant, les urgences vitales peuvent être traitées en première ligne à l’hôpital Louis-Rollin qui est doté d’un service de radiologie, d’un bloc opératoire et d’une salle de soins intensifs, permettant une stabilisation des patients en attente de leur évacuation vers le Taaone.

Le rapport d’étape des inspecteurs de l’ARASS a déjà fait à ce stade des préconisations pour améliorer la prise en charge des patients.

Parmi ces recommandations je relève la nécessité que notre compagnie aérienne locale puisse, sur ses vols commerciaux ordinaires, prioriser la prise en charge des patients en Evasan ; la mise en place d’un moyen de transport maritime adapté au transport sanitaire sur le groupe Nord, à l’instar de ce qui existe au Sud ; le retour de moyens héliportés ; et enfin l’installation d’un scanner pour améliorer les diagnostics et favoriser les Evasan précoces.

Sur ce dernier point, le gouvernement a décidé d’inscrire les crédits nécessaires au collectif budgétaire qui va vous être soumis dans les jours à venir afin d’acheter un scanner pour équiper l’hôpital des Marquises.

Le laboratoire, le service de radiologie ainsi que les appareils d’échographie sont des outils de diagnostic dont dispose l’hôpital mais ces outils restent toutefois insuffisants pour traiter certaines pathologies sur place et permettre des interventions chirurgicales et/ou des soins médicaux appropriés (AVC ou traumatismes graves par ex) et donc plus rapides alors que les moyens médicaux humains sont aujourd’hui à niveau aux Marquises. Le seul équipement manquant pour parfaire ces outils de diagnostic est un scanner 9 barrettes. En l’absence de radiologue et grâce à la fibre optique, les images seront acheminées par la voie informatique pour être validées par un radiologue ou transmises directement au SAMU.

Ce scanner permettra ainsi une prise en charge plus sécurisée, d’éviter de nombreuses Evasan. Environ 200 patients par an – 240 avec les accompagnants – vont à Papeete pour un scanner –  Le coût moyen d’une Evasan (patient et accompagnant compris) sur les Marquises étant d’environ 90.000 francs, la dépense évitée serait d’environ de 21,6 millions par an pour notre collectivité.

La question de la construction d’une navette maritime équipée pour les transports sanitaires pour le groupe Nord a d’ores et déjà été arrêtée pour un montant de 170 millions de francs et l’appel d’offres va être lancé prochainement puisque le cahier des charges vient d’être finalisé.

Sur la question de la priorisation de la prise en charge des Evasans sur les vols commerciaux d’Air Tahiti, encore faut-il que ces vols soient opérés. Ce qui n’est pas le cas depuis quelques jours, l’arrêt de la desserte par Twin Otter devant se prolonger. Cette situation est intolérable et le ministre en charge des transports aériens a saisi la compagnie pour la sommer d’assumer la continuité du service public.

Reste la question de l’hélicoptère. Nous sommes tous bien entendu favorables à ce que les Marquises puissent à nouveau disposer de cet équipement. Mais, je m’adresse aux élus que vous êtes : il faut bien être conscients que, même si les vies humaines n’ont pas de prix, l’exploitation d’un hélicoptère dans l’archipel aura un coût pour la collectivité car d’évidence, la rentabilité ne sera pas au rendez-vous. C’est d’ailleurs la raison du départ de la précédente compagnie. D’ailleurs, plusieurs ministres marquisiens se sont penchés sur ce dossier, sans aboutir à un aboutissement concluant.

Nous avons saisi la compagnie Tahiti Nui hélicoptères pour qu’elle étudie la desserte des Marquises. D’ores et déjà, elle nous a indiqué qu’il fallait mettre à niveau les infrastructures.

De New York, j’ai demandé au Vice-président d’ouvrir les discussions avec la société Tahiti Nui Hélicoptères pour l’exploitation d’un hélicoptère avant juin 2020.

Nous allons donc inscrire les crédits pour la mise à niveau des infrastructures qui sont un préalable indispensable à la mise en exploitation d’un hélicoptère qui pourrait intervenir vers la mi-juin si votre assemblée accepte le principe d’un soutien financier important.

Monsieur le représentant, mesdames et messieurs les élus, sachez-le, le gouvernement se préoccupe particulièrement de la santé de nos compatriotes, quel que soit leur lieux de résidence.

J’espère, par mes propos, avoir répondu aux attentes de la population des Marquises qui attend depuis longtemps, je le comprends, des actes concrets.

Je vous remercie de votre attention.

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