Code des débits de boissons: ce qui change après trois années d’application…
Ce jeudi 13 novembre à l’assemblée de la Polynésie française, lors de la cinquième séance de la session budgétaire, les représentants ont adopté non sans mal un projet de loi du pays portant modification de la partie législative du code des débits de boissons.
Les aménagements apportés au code datant de 2021 – texte qui constituait déjà « une grande avancée », de l’aveu même du ministre de l’Economie Warren Dexter – sont le fruit de trois années d’application en pleine concertation avec les professionnels du secteur. Jusqu’ici, tout va bien…Mais l’introduction en séance de deux amendements a quelque peu animé les débats !
A l’article 9, tout d’abord, l’élue du camp majoritaire Teremura Kohumoetini a voulu forcer la main du gouvernement, en vain, sur une disposition visant à réaffirmer l’obligation de proposer aux consommateurs une carafe d’eau portable et gratuite; sauf que cette obligation figure déjà dans le code de l’environnement, engendrant un risque potentiel de contentieux juridique. Malgré le soutien d’une partie de l’opposition (24 voix au total), l’amendement a finalement été rejeté. Un second amendement, porté cette fois-ci par le gouvernement, est ensuite venu corriger l’article 12 du texte qui consacre désormais quatre catégories de débits de boissons alcooliques à consommer sur place. Il a été adopté.
La discussion, article par article, s’est poursuivie jusqu’à la pause déjeuner.
Limiter l’ivresse publique
Retrouvez à présent l’intervention générale prononcée par le président Fritch au nom du groupe Tapura huiraatira:
Le gouvernement soumet à notre approbation une révision d’envergure (59 articles au total !) de la partie législative du code des débits de boissons. Non parce qu’elle était obsolète – la réglementation applicable en la matière remontant à 2021 – mais plutôt parce que les décideurs ont jugé nécessaire de rendre le texte plus lisible par le plus grand nombre aux fins d’accroître son efficacité.
Aussi, dès lors que les nouvelles dispositions sont prises, à la fois, dans l’intérêt des professionnels du secteur mais aussi et surtout des consommateurs polynésiens, le groupe Tapura huiraatira veut bien admettre la légitimité d’une telle entreprise.
Mais plus que les améliorations apportées sur le plan économique en ce qu’elles modifient sensiblement les règles d’ouverture, de translation et de caducité des licences, leur caractère incessible étant consacré à l’article 21, nous retiendrons pour notre part le volet sanitaire des nouvelles mesures.
Objectif recherché : limiter, autant que faire se peut, l’ivresse publique en général et la conduite sous l’empire alcoolique en particulier. En effet, nul n’est censé ignorer les ravages causés par l’alcool au sein des familles, et notamment chez les jeunes qui paient un lourd tribut sur nos routes depuis le début de l’année.
Je vous rassure : il ne s’agit pas ici de pointer du doigt les tenanciers de bars ou de discothèques. Ils sont là pour animer la vie nocturne dans nos îles et faire en sorte que la fête soit la plus belle possible ! Mais lorsque la soirée se termine par un drame, ils sont en partie responsables comme d’ailleurs chacun d’entre nous; raison pour laquelle il appartient aux législateurs que nous sommes de prendre toutes les garanties nécessaires à un encadrement juste et rigoureux de la vente de boissons alcoolisées.
Cet appel à la responsabilité trouve ainsi tout son sens au travers une Charte de bonne conduite. Bien que déjà mise en œuvre jusqu’ici, le présent texte propose de la faire figurer officiellement au sein d’un nouveau chapitre du code. Elle ne concerne que les débits de boissons recevant du public de 5ème catégorie et pour les signataires, elle ouvre droit à un régime horaire plus étendu.
Les seules discothèques concernées devront ainsi s’engager auprès des pouvoirs publics à adopter des règles plus vertueuses. Mais, pour nombre d’entre elles, nous sommes en droit de douter de leur efficacité ! Comme par exemple, « proposer des boissons non alcoolisées à des tarifs significativement inférieurs à ceux pratiqués sur l’alcool », ce qui reviendrait à dire qu’un verre de coca cola devra obligatoirement être moins cher qu’un whisky-coca…c’est une évidence et déjà le cas.
Quant à demander à ces professionnels de « signaler » et donc de dénoncer auprès des forces de maintien de l’ordre des « comportements à risque » pouvant être observés au sein de leurs établissements, c’est tout simplement irréaliste, pour ne pas dire naïf de le croire. Ce n’est pas leur métier, à plus forte raison s’il s’agit d’une clientèle d’habitués. Par ailleurs, il vous sera quasiment impossible de vérifier sur le terrain le respect de cet engagement…à moins de retracer le parcours des fêtards jusqu’à la source de leur imprégnation.
En revanche, oui à la promotion, par ces mêmes établissements, des dispositifs de dépistage d’alcool auprès de celles et ceux qui ne seraient pas, ou plus, aptes à prendre le volant. L’article LP 39 insiste sur la notion de gratuité des éthylotests. Pire, la directrice de la DGAE a pu constater sur le terrain la distribution d’appareils malheureusement périmés. Dans ces conditions, pourquoi ne pas solliciter l’intervention du fonds de prévention sanitaire du Pays dont les caisses sont pleines, pour financer ces tests ? Dans la même veine, notre collègue Tepuaraurii Teriitahi a suggéré en commission législative un affichage accru à l’intérieur même des débits de boisson, du type: « L’alcool tue! » Après tout, on le fait bien pour les accros du tabac…
Enfin, j’avoue ne pas bien saisir la finalité de l’article 40 relatif à l’interdiction de recevoir des mineurs au sein des débits de boissons. Car si l’objectif est de réaffirmer, mais sous une autre rédaction, que cette catégorie de population n’a rien à faire au contact de gens qui consomment de l’alcool, c’est raté. ! Je m’explique : avant, les établissements pouvaient, je cite « accueillir des mineurs de moins de 16 ans à condition que ceux-ci soient accompagnés par une personne majeure en ayant la charge ou la surveillance et qu’un repas leur soit servis »; demain, ils auront, et je reprends les nouvelles dispositions « interdiction de recevoir tout mineur de moins de 16 ans non-accompagné (…) », autrement dit, les mineurs accompagnés auront toujours droit de cité sous la responsabilité d’un adulte.
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