Le Pays « condamné à subventionner l’OPT »…

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C’est le ministre de l’Economie et des Finances en personne, Warren Dexter, qui l’a déclaré jeudi après-midi à l’assemblée de la Polynésie française, lors de l’examen des comptes financiers 2023 de l’établissement public.

Sa collègue Vannina Crolas lui ayant refilé la patate chaude voilà seulement quatre mois, c’est avec beaucoup de lucidité et le franc-parler qui le caractérise que notre « grand argentier » a présenté un tableau plutôt sombre de la situation.

Car oui, après avoir investi à tour de bras sans compter, alors même que l’argent coulait à flot, au point de reverser de colossaux dividendes au Pays (14 milliards au total jusqu’en 2016!), l’OPT a vu ses équilibres financiers plonger dans le rouge. En cause principalement, « c’est le service dans les archipels éloignés… », a indiqué le ministre, en y voyant « un caillou dans la chaussure du Pays ». Aussi, à l’en croire, il n’y a aucune chance de rentabiliser les prestations téléphoniques, postales et financières sur place, d’où la nécessité pour le Pays de mettre la main à la poche au nom du service public.

Autant dire que cet aveu d’impuissance qui constitue un tournant radical dans l’approche que le gouvernement Brotherson avait jusqu’ici sur ce dossier, n’a certainement pas fait plaisir aux élus Tavini huiraatira et en particulier au « triumvirat » (Béatrice Florés-Legayic, Odette Homai et Vahinetua Tuahu) qui, quelques minutes auparavant, ont exprimé tout le mal qu’elles pensaient de l’OPT et de la nouvelle gouvernance. La minorité à l’assemblée n’en attendait pas autant…

En attendant, Pascale Haiti, pour le groupe Tapura huiraatira, a donné sa version de la situation résumée dans l’intervention publiée ci-dessous.

2,4 milliards Fcfp de déficit net

Comme chaque année, et l’exercice 2023 ne fait pas exception, l’assemblée de la Polynésie française est destinataire des comptes de l’Office des postes et télécommunications, sous deux formes distinctes : un premier bilan relatif à la situation financière de l’établissement, la holding OPT ; suivi d’un second présentant une image globale et consolidée du groupe public au travers ses différentes filiales. Version sur laquelle, si vous le voulez bien, nous concentrerons toute notre attention.

Sur les chiffres, le constat est sans appel : après avoir accusé une perte historique de 2 milliards de Fcfp en 2022, ce résultat (négatif) net de l’entreprise consolidée s’est encore creusé l’année suivante pour atteindre 2 milliards 371 millions 895 mille 816 francs pacifique.

Les raisons de cette dégringolade observée depuis 2019 malgré les subventions du Pays sont connues de tous ! Par le passé, c’est la SAS Onatti avec les revenus abondants de la téléphonie mobile qui constituait – si vous me permettez l’expression – la vache à lait du groupe. Mais la concurrence et la guerre des prix sont passées par là, ce dont personne ne s’est plaint jusqu’ici…au point de remettre en cause l’existence même de tout cet édifice. Un équilibre précaire comparable par exemple à la situation d’Air Tahiti condamnée, si je puis dire, à opérer des lignes très rentables pour financer d’autres qui ne le sont pas !

En outre, l’OPT a un positionnement particulier en tant qu’établissement public ayant également pour mission d’assurer le service postal ainsi que les transactions financières jusque dans les îles les plus reculées de notre archipel, au travers les filiales Fare Rata et Marara Paiement. Ces missions certes très coûteuses sont indispensables au maintien des populations dans les archipels éloignés. Mais la réalité, c’est qu’« aucun bureau des Postes n’est rentable, même à Tahiti, ils sont tous déficitaires » comme l’a justement rappelé la nouvelle directrice générale.

Il faut sauver le soldat OPT…

Toujours est-il que depuis son arrivée aux affaires, le gouvernement Brotherson, par la voix de sa ministre de tutelle, Mme Crolas, n’a eu de cesse de crier au loup ! Au même titre que l’OPH, l’OPT faisait figure de soldat à sauver. On allait voir ce que l’on allait voir…Résultat, au premier collectif adopté le 2 avril dernier, un complément de 400 millions de Fcfp a été approuvé par votre majorité car, apparemment, les salariés du groupe n’auraient pas consenti autant d’efforts qu’espérés.

Pourtant, nous avons encore en mémoire le très médiatique courrier adressé fin juin 2023 à l’ex-dirigeant Jean-François Martin, juste avant que celui-ci ne fasse valoir ses droits à la retraite, pour lui demander des comptes sur la situation financière du groupe. Comble de la bassesse, vous alliez jusqu’à lui réclamer « le montant des 10 plus hautes et des 10 plus basses rémunérations nettes du groupe », avant de lui intimer l’ordre de « suspendre tous recrutements de cadres et actions visant à augmenter la masse salariale ». Gageons que la même exigence s’applique à l’actuelle direction en poste depuis le 1er février 2024 !

Après cette première salve faisant office de règlement de comptes en bonne et due forme qui devait d’ailleurs conduire au lancement d’une mission d’enquête portant sur la gestion de l’établissement, et malgré les échanges que nous avons eus lors de l’étude préliminaire de ce dossier, aucune piste sérieuse ni solution miracle ne semble se dégager aux fins de « réinventer » l’OPT. Pire, tout porte à croire que nous nous retrouverons l’an prochain ici même pour arriver aux mêmes conclusions…Et ce, pour la simple et bonne raison qu’il « faut être lucide sur nos activités… » comme l’a reconnu Mme Delva en commission législative.

Alors oui, mes chers collègues, il y a toujours matière à mutualiser les moyens humains, à loger certains bureaux de postes dans des abris de survie ou dans les futurs « Fare ora »… mais il faudra davantage que des économies de bouts de chandelle pour remettre l’OPT sur les bons rails. C’est pourquoi, vous devriez prendre exemple sur la Poste en métropole qui, après des déboires comparables, renoue avec les bénéfices grâce à une profonde diversification de ses activités.

L’ancien directeur général prévoyait en outre la cession d’une partie des biens immobiliers de l’OPT ainsi que la mise en place d’un plan de rigueur au sein de toutes les entités. Cette ambition va-t-elle se matérialiser et quel en est le gain escompté ? Aujourd’hui, on nous parle d’alliance stratégique avec une banque de la place pour la gestion des distributeurs de billets. Ou carrément, d’ouvrir le capital de certaines filiales…pourquoi pas ! Mais à notre sens, il convient aussi et surtout de remotiver le personnel pour insuffler parmi les équipes un véritable esprit d’entreprise.

En revanche, et en conclusion, permettez-moi de sourire face aux atermoiements qui vous caractérisent concernant le projet immobilier de la SCI Hinoï. Par deux fois en effet, la dernière en date du 27 mars 2024, la construction de cet ensemble a été renvoyée aux calendes grecques en raison d’un coût de construction jugé trop élevé. Avec, à la clé, de nouvelles études en perspective pour finalement aboutir au même résultat, à savoir : tendre vers la recherche de revenus externes (hors Groupe), ce qui, je vous le rappelle, était l’objectif initial.

Je vous remercie de votre attention.

 

 

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