Air Caraïbes: vingt ans d’existence et pas une ride

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Deuxième compagnie long courrier après Air France, Air Caraïbes est un modèle de gestion, à l’image de celle de son actionnaire, le groupe vendéen Dubreuil.

AOM, Air Liberté, Euralair, XL Airways, Aigle Azur… Le cimetière des transporteurs aériens français s’emplit régulièrement et la Fnam, fédération des compagnies, de constater que les parts de marché du trafic français à l’international baissent bon an mal an d’un pour cent.

Dans ce ciel agité, Air Caraïbes se développe depuis vingt ans, supportée par un actionnaire unique, le groupe familial vendéen Dubreuil. Jean-Paul, le pater familias, qui vient de céder les commandes à son fils Paul-Henri, avait tâté du transport de passagers dès 1974 créant Air Vendée. Un petit bimoteur de neuf places reliait La Roche-sur-Yon à l’île d’Yeu et le staff comptait outre Jean-Paul, une secrétaire, un pilote et un mécanicien. Vingt ans plus tard, la structure est devenue Regional Airlines, la plus grosse compagnie régionale en Europe, que Dubreuil a vendu à Air France, qui avait trop peur que British Airways ou Lufthansa s’en empare.

Le bon sens, clé du succès

Que faire de ces liquidités ? Jean-Paul Dubreuil a alors rencontré Marc Rochet, un ingénieur qui a beaucoup bourlingué à la direction de compagnies aériennes. Cet ancien d’Air Inter a, entre autres, géré les vols Antilles d’Aéromaritime, filiale d’UTA, a redressé AOM jusqu’au moment où Chirac a nommé un de ses copains à la direction de l’actif du Crédit lyonnais.

Les deux hommes s’entendent très vite pour créer une compagnie transatlantique vers les Antilles françaises, une desserte pour laquelle, avec l’arrêt d’Air Lib, on ne comptait que deux opérateurs, Air France et Corsair. La décision a été prise en septembre 2003 et le premier vol Orly-Pointe-à-Pitre-Fort-de-France réalisé le 12 décembre suivant. « Un de nos atouts, nous prenons des décisions de manière très rapide, on va vite, indique Marc Rochet qui relativise le succès d’Air Caraïbes. Il n’y a pas de secret de réussite, c’est juste 99 % de bon sens. Cette compagnie aérienne a été gérée comme une entreprise normale, elle a réussi grâce à son personnel et à l’actionnaire. Souvent, dans l’aérien, on réagit de manière conservatrice. En clair, on n’arrête pas forcément les routes qui perdent de l’argent. Nous sommes une entreprise privée, sans actionnaire étatique, nous devons être rentables. C’est très simple, une route gagne ou perd et si elle perd de l’argent, on l’arrête. » Ce fut le cas de Saint-Martin et de Cuba, notamment. À la création, le business plan donnait trois ans pour arriver à l’équilibre. Il a été atteint en dix-huit mois…

Air Caraïbes a su choisir les bons avions aux bons moments. Au démarrage, ceux-ci ont été loués aux meilleures conditions créées par les faillites de transporteurs en Allemagne et en Suisse. Avec la croissance, cela permet aussi d’échanger ensuite un Airbus A330-200 de 303 sièges pour un A330-300 de 354 sièges et de bien coller à la demande.

L’A350, meilleur avion de sa génération

« Nous sommes très attentifs au choix de notre flotte, les questions essentielles dans notre métier restent les suivantes : quel avion on utilise ? Comment on l’aménage et comment on le fait voler ? indique Marc Rochet. Avec Jean-Paul Dubreuil, on a décidé d’acheter des A350, qui est clairement le meilleur avion de sa génération. On a été les premiers à les mettre en ligne en France. Ils étaient pensés pour avoir neuf sièges en classe économique. Nous avons décidé de mettre non pas neuf mais dix sièges, ce qui nous a fait gagner en rentabilité. Pour compenser le fait que les clients sont un peu plus serrés, on a réduit un peu les allées et installé un système de vidéo très performant. » Les premiers A350 sont arrivés en 2017, affectés à Orly-Pointe-à-Pitre et Orly-Fort-de-France. Aujourd’hui, les A350-1000 (429 sièges) assurent jusqu’à trois vols quotidiens vers chaque île. Les passagers apprécient particulièrement la qualité de la pressurisation de la cabine. La pression correspond à 1 500 mètres, l’altitude d’une station de moyenne montagne, contre 2 200 mètres pour les avions de la génération précédente.

Avec French Bee, la petite sœur low cost créée en 2017, le groupe Dubreuil exploite vingt Airbus. Un autre A350-1000 est attendu en décembre 2024. Ses destinations sont gardées secrètes, mais comme il est défiscalisé, ce ne pourra être que les Antilles françaises et la Guyane ou La Réunion. Notons qu’un quatrième ATR va être mis en ligne sur l’axe Saint-Martin-Pointe-à-Pitre-Fort-de-France pour remédier à la défaillance d’Air Antilles dont les avions sont toujours cloués au sol.

Le premier Airbus d’Air Caraïbes vole toujours mais pour la République

Pour son premier vol transatlantique le 12 décembre 2003, Air Caraïbes a opéré entre Orly et Pointe-à-Pitre un Airbus A330-200 immatriculé F-OPTP portant le numéro de série 240. Celui-ci était loué à ILFC car la jeune compagnie aérienne n’a pas (encore) les moyens d’acquérir des gros-porteurs. Cinq ans plus tard, le F-OPTP est rendu en échange d’un A330-300 offrant plus de sièges. ILFC, le plus gros loueur mondial, recherche des liquidités. Sa situation de filiale de l’assureur américain AIG le met au cœur de la crise financière de 2008. La Direction générale pour l’armement (DGA) qui relève du ministère de la Défense, cherche un long courrier d’occasion pouvant être converti en avion présidentiel, et lui achète pour 60 millions d’euros cet A 330-200 msn 240. Âgé de dix ans, cet avion ne totalise que 45 000 heures de vol et 7 500 cycles (séquences décollage atterrissage avec pressurisation). Le même appareil sorti neuf des usines de Toulouse serait revenu à près de 180 millions d’euros. Dans tous les cas s’ajoutent l’aménagement de la cabine et des équipements spéciaux qui ont fait l’objet d’un long chantier à Bordeaux-Mérignac chez Sabena Technics (ex-Sogerma).

Par Thierry Vigoureux

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