5 novembre 2024

Arrivée de Google en Polynésie: qu’est ce que ça va changer pour nous ?

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Retrouvez les commentaires du groupe Tapura huiratiraa sur le projet de loi du pays portant modification du code des Postes et Télécommunications examiné ce mardi matin à Tarahoi. Un texte « bâti » sur mesure pour faciliter l’arrivée du géant Google en Polynésie française. Mais quelles en seront les retombées pour l’économie locale ?

Le présent projet de loi du Pays a pour objet d’ouvrir à d’autres opérateurs que l’OPT les communications internationales, l’OPT gardant néanmoins sa position de monopole et le conseil des ministres délivrant les autorisations.

Bien que l’exposé des motifs transmis par le gouvernement n’en fasse nullement mention, ce nouveau régime juridique va permettre la réalisation de projets de câbles sous-marins internationaux portés par Google, dont notamment le câble Honomoana qui reliera Tahiti aux États-Unis et à l’Australie, le câble Tabua qui reliera Tahiti à Fidji et le câble Humboldt reliant l’Australie au Chili en passant par Tahiti. Ils viendront en complément, dans le Pacifique sud, du câble Curie qui relie Los-Angeles à Valparaiso.

Depuis 2008, Google s’équipe d’un vaste réseau de télécommunications sous-marin pour fournir un meilleur accès à ses services internet, et notamment à son cloud plutôt qu’à celui de ses concurrents. C’est aussi une stratégie pour ne pas avoir à dépendre des opérateurs locaux, comme l’OPT.

L’arrivée de ces nouveaux câbles en Polynésie française entre donc dans une stratégie décidée de longue date par la multinationale, favorisée par le gouvernement des États-Unis pour des raisons géostratégiques évidentes puisque le Pacifique nord présente des risques en raison de la présence des Chinois.

Si le rapport du gouvernement est muet sur les nouveaux opérateurs qui pourront bénéficier de cette nouvelle réglementation, il reste par ailleurs purement technique, la modification du code des postes et télécommunications étant elle-même purement technique.

Pas de chef de projet

Toutefois, cette modification va entraîner des conséquences et nous n’avons aucune étude sur l’impact que va engendrer l’arrivée d’un ou plusieurs opérateurs à l’international. Et ce ne sont pas les explications pour le moins confuses du directeur de cabinet du président de la Polynésie qui nous auront apporté un éclairage quelconque en commission.

La confusion, c’est d’ailleurs un peu ce qui règne pour l’ensemble de ce dossier. Il y a peu, lors de l’étude ici même des comptes administratifs de l’OPT, nous avions interpellé Madame la ministre en charge des télécommunications pour savoir si un chef de projet avait été désigné pour suivre ce dossier, et si une équipe dédiée avait été mise en place.

La ministre nous avait répondu par l’affirmative. Or, nous n’avons pas vu ce chef de projet lors de la commission législative. Il n’y avait que le directeur de cabinet du président et la conseillère en charge du numérique pour nous apporter des réponses très évasives. Je ne parle pas des deux représentants de la DGEN qui étaient présents pour répondre sans doute à des questions juridiques qui n’ont pas été abordées.

Jusqu’à présent donc, personne n’est en mesure de nous donner un état précis de l’avancée de ce dossier, ni de son impact. Je pense que le seul et unique chef de projet est le président lui-même.

Si nous avons bien compris, vous êtes toujours en négociations avec Google pour acter les conditions de sa venue en Polynésie française. Il n’y a pour l’heure aucun memorandum of understandind, de protocole d’accord pour parler français, conclu entre le Pays et la multinationale. Nous modifions notre réglementation pour accueillir cette société, mais en retour nous ne savons toujours pas à quoi s’engage Google.

On demande donc à notre Assemblée de se prononcer sans avoir en mains toutes les informations qui pourraient éclairer notre vote.

Taxation

On vient également nous parler de la mise en place prochaine d’un texte qui nous permettrait de taxer les flux afin que le trafic Google puisse apporter des revenus au Pays. Là encore, nous ne savons pas sur quelle base vous aller négocier avec la multinationale.

Je vous rappelle que les États-Unis sont opposés à toute taxe sur les services numériques. Toutefois l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a proposé en octobre dernier une convention multilatérale qui, si elle était ratifiée par les États membres, permettrait d’octroyer un droit à taxer aux pays où ces grandes entreprises exercent une activité sans y être physiquement présente grâce à Internet. Mais nous sommes encore loin du compte en la matière.

Aussi, comment nous, petit pays du Pacifique, pourrions-nous imposer nos conditions à Google ?

Comme l’a dit le président de notre assemblée au directeur de cabinet du président du pays pendant la commission, « quand vous aurez les modalités avec les opérateurs, revenez vers nous ». Pour le moment, nous n’avons rien, si ce n’est des questionnements.

Si nous avons bien compris, les futurs opérateurs privés ne pourront pas proposer directement des services aux clients polynésiens. Par contre, ils proposeront leurs services à ONATI, et l’on peut le supposer à Pacifique Mobile Telecom et à Viti, les deux fournisseurs privés d’accès à internet. C’est vrai que notre marché reste restreint pour un géant comme Google.

Mais dans ces conditions, l’OPT continuera à supporter seul les coûts des câbles Honotua et Manatua, tandis nos opérateurs privés polynésiens pourraient avoir accès à des capacités moins chères que celles pratiquées actuellement par ONATI. ONATI risque donc de se trouver pénalisé économiquement voire dans une situation de concurrence déséquilibrée.

Le groupe OPT assume les services publics universels et les coûts associés sans pouvoir baisser ses prix. Ceci risque donc d’aggraver son déficit, étant donné que les autres opérateurs locaux n’ont pas d’obligations de supporter les coûts de desserte des archipels éloignés ni à gérer les infrastructures lourdes et couteuses des communications extérieures.

Il y a donc matière à s’interroger sur les répercussions économiques et sociales de cette ouverture des communications internationales, et vous ne nous apportez là encore, aucun éclairage sur la question.

Quelle plus-value ?

Maintenant, on ne nous a pas expliqué non plus en quoi l’arrivée d’un nouvel opérateur de télécommunications extérieures va être bénéfique pour les polynésiens. Quelles seront les retombées directes ? Est-ce que nous paierons moins chers nos télécommunications et notre internet ? Ce sont quand même des questions essentielles qui se posent, alors que votre gouvernement s’est engagé à lutter contre la cherté de la vie.

Par ailleurs, et puisque le projet de câble que nous avions conjointement avec le Chili n’est plus d’actualité, est-ce que la desserte de l’archipel des Gambier est toujours d’actualité ? Autre questionnement : est-ce que la présence de ce nouvel opérateur va générer de l’emploi ? On nous parle de l’installation de deux Data centers. Mais combien cela peut-il générer d’emplois et avons-nous le personnel formé ?

Nous le souhaitons tous, l’augmentation des capacités internet grâce aux nouveaux câbles pourra favoriser l’implantation d’une véritable industrie du numérique. Vous avez présenté au CESEC en février un plan de développement du numérique, en disant aux entreprises qu’elles pourront bénéficier de CAE ou de CVD pour se transformer numériquement. Or, vous supprimez les CAE et les CVD.

Mais surtout nous ne voyons pas très bien quelle sera la plus-value de votre plan par rapport au Schéma directeur d’aménagement du numérique que notre assemblée a adopté en juin 2017 et de sa déclinaison opérationnelle au travers de SMART POYNESIA.

Monsieur le président, vous avez annoncé que le secteur du numérique et de l’audiovisuel devrait atteindre 25% du PIB de la Polynésie française dans 10 ans qui viennent. Outre que cette ambition paraît totalement démesurée au regard d’un PIB annuel d’environ 650 milliards, tout autant que vos 600.000 touristes devenus recettes équivalentes à 600.000 touristes, nous ne voyons pas très bien quels sont vos axes développement en la matière.

Vous avez organisé en février dernier des Assises du numérique et de l’audiovisuel, mais aucune conclusion n’a été présentée au grand public, ni même aux participants.

Nous le disions tout à l’heure, la présentation qui a pu être faite par votre directeur de cabinet en commission des conséquences de l’arrivée de Google en Polynésie était pour le moins confuse. Mais finalement, il nous apparaît que ce n’était que la juste traduction du caractère pour le moins brouillon d’un dossier que vous menez seul au niveau de la présidence du Pays.

Nous espérons que vous viendrez répondre toutes les questions que nous avons pu poser car vraiment, nous n’avons pas tous les tenants et les aboutissants pour éclairer notre vote sur ce dossier.

En charge de ce dossier, le président Brotherson a rappelé que la pose des câbles doit démarrer en octobre 2024 pour s’achever à la fin de l’année 2025. Il a confirmé la construction de deux Data Centers. Pour commencer… Quant à savoir quel sera le niveau de taxation pour l’acheminement des données numériques, « les discussions sont toujours en cours », a expliqué le chef de l’exécutif local, mais ce sujet fera l’objet d’une prochaine loi du pays.

Indépendamment de tous ces questionnements, le groupe Tapura huiraatira a annoncé qu’il votera en faveur de ces nouvelles dispositions.

NB: les inter-titres sont de la rédaction

 

 

 

 

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