Les voeux du président Fritch aux syndicats de salariés

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Au tour des syndicats de salariés de recevoir, mardi à la Présidence, les voeux du gouvernement d’Edouard Fritch pour 2023. Voici, dans son intégralité, l’allocution prononcée à cette occasion.

Chers Amis,

Ia ora na.

Avant tout, merci d’avoir répondu à mon invitation pour cette traditionnelle cérémonie des vœux.

Cette fin d’année 2022 a été une nouvelle fois de plus singulière.

Elle marque à la fois la clôture d’une année complexe et on ne peut plus imprévisible avec la fin de la pandémie et la reprise dynamique économique polynésienne mais aussi l’arrivée puis l’installation sur notre territoire d’une nouvelle crise, celle d’une inflation galopante que nous pensions reléguée aux oubliettes de l’histoire économique récente.

Avant de vous parler des perspectives et des souhaits que je formule pour 2023, j’aimerais, revenir quelque instant sur l’année 2022 et sur les années précédentes qui ont été marquées par une série de crises : sanitaire, économique et sociale, telle que jamais notre Pays n’en a connue.

Je ne vais pas en faire un historique détaillé ici, rassurez-vous, mais essayer avec vous d’en dégager les caractéristiques essentielles et si possible en tirer quelques leçons.

Cette crise se résume par deux mots : PANDEMIE et INFLATION.

Les deux sont totalement exogènes, c’est à dire importées, et ravageuses pour un pays dont l’activité principale est fondée sur le tourisme, et qui importe plus de 90 % de ce qu’il consomme.

Après des années d’efforts et de rigueur la pirogue Polynésienne se présentait encore forte en 2019, armée pour envisager de belles années de croissance et de prospérité. Cette phase « euphorique » a hélas été brutalement brisée à la fin du mois de janvier 2020.

Vous connaissez tous, dans vos responsabilités de représentant du personnel, le poids et les conséquences des décisions qu’il faut prendre en telles circonstances.

Permettez de saluer, devant vous, la lucidité et le courage des membres du gouvernement qui, dès notre première réunion spéciale consacrée à la pandémie ont redoublé d’efforts pour en atténuer les effets.

Et je vous laisse imaginer l’ambiance, lourde et solennelle, de mon premier « tête à tête » avec le Haut-Commissaire, M. Dominique Sorain, que je souhaite saluer d’ailleurs devant vous, car il aura été des mois durant, à mes côtés, l’interprète de la bienveillance et de la mobilisation permanente des services de l’État dans ce combat.

Jamais en effet je n’ai ressenti aussi intensément le poids et la profondeur de la charge de Président d’un Pays. Préserver des vies est à la fois une très grande responsabilité et une charge morale qui vous perce l’estomac, car la vie est le bien le plus essentiel.

Je ne regrette rien de ce que j’ai vécu ou décidé durant cette période de crise où tous les chefs d’état du monde étaient confrontés aux mêmes défis.

Je me suis enrichi humainement car la pandémie poussait à la plus grande humilité parce que nous étions impuissants face à ce virus inconnu, un ennemi invisible et assassin. Humilité parce que le monde entier était confiné et bloqué malgré nos intelligences et les avancées technologiques de notre monde moderne connecté. Humilité parce que la terre-mère nous rappelle au respect de la Création, avec un C majuscule. Oui, j’ai rapidement pris conscience que Rien ne sera plus jamais comme avant.

La mobilisation des représentants au sein de l’Assemblée de Polynésie française, le courage sans faille du gouvernement, l’engagement exceptionnel de l’Etat et la mobilisation des entreprises et des forces vives de ce Pays, nous ont permis, avec toute la population, de surmonter cette crise sanitaire et éviter le tsunami économique et social qu’elle aurait pu engendrer.

Tout au long de cette crise notre obsession aura toujours été la même : PROTEGER LA POPULATION ET PREPARER LE PAYS POUR LA SORTIE DE CRISE ; Protection sanitaire bien sûr mais aussi financière, économique et sociale.

Je ne vais pas revenir en détail sur les mesures qui nous ont permis de sauvegarder le tissu économique et les emplois, de maintenir des revenus, de sauvegarder l’ensemble des acquis sociaux, le moni rua’u ou les autres allocations…. Je crois que de tout cela la population nous en sait gré.

Depuis des mois, la nouvelle crise que nous affrontons s’appelle l’inflation, le pire des cauchemars pour un économiste car elle amène crise de croissance et génère de la pauvreté

Nous avons rapidement pris la mesure économique et sociale du problème et nous avons tout fait pour en juguler les effets en mettant en œuvre, très tôt et très vite un puissant arsenal de mesures que nous avons appelé « le bouclier anti-inflation ». Près de 13 milliards de F CPF de notre budget ont été affectés au service de la défense du pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Soutien aux prix des hydrocarbures et de la farine ; exonération de taxes, de cotisations sociales ; Revalorisation du smic qui atteint 169 156 Francs ce 1er janvier ; Revalorisation du point d’indice des fonctionnaires et des retraites ; Aides à la rentrée scolaire, aide alimentaire exceptionnelle de l’État, prise en charge du fret inter iles pour les produits agricoles, baisse des cotisations sur la maladie de deux points….la liste est longue, le panier bloqué qui se met en place en ce moment en est le dernier exemple.

Au-delà de ce combat permanent qui durera encore quelques mois, je veux retenir deux faits saillants et structurants qui ont marqué cette année.

Le premier, c’est La loi du pays du 23 mai 2022 sur la Protection Sociale Généralisée qui a permis de réformer la gouvernance des trois anciens régimes (RGS/RNS/RSPF) et qui sont désormais administrés par un conseil d’administration unique, et organisé en cinq branches :  La maladie ; les accidents du travail ; la vieillesse ; la famille ; le handicap et la dépendance.

La mise en place de ces cinq branches, dont les sources de financement seront propres et par conséquent étanches, doit permettre d’actualiser les prestations servies aux ressortissants.

Cette réforme fondamentale doit également être l’occasion de remettre en cause certaines organisations ou fonctionnements obsolètes, peu performants. Tout un chacun doit accepter la remise en cause nécessaire si nous voulons maintenir nos acquis sociaux.

Je saisis ce moment pour saluer l’efficacité de la Contribution pour la solidarité tant décriée par mes opposants et par quelques mauvaises volontés puisque les rentrées financières sont conformes aux prévisions et qu’elles servent exclusivement à couvrir les déficits de la PSG.

Je remercie monsieur Patrick Galenon, le président du conseil d’administration de la CPS, pour avoir publiquement reconnu cette réalité et rappelé à qui veut l’entendre l’utilité de cette contribution sociale pour le financement des régimes sociaux.

Je compte enfin sur l’union sacrée de l’ensemble des parties prenantes pour poursuivre le dialogue et faire preuve de responsabilité, de tolérance, d’écoute et bien-sûr de beaucoup de patience : l’édifice de la PSG est le fruit d’une longue construction, qui ne s’improvise pas « à la va-vite » au risque de mettre en péril les grands équilibres financiers et surtout de ne pas obtenir l’adhésion de la population.

La poursuite de la dynamique de réforme est un gage de crédibilité pour que puisse être envisagé l’accompagnement de l’Etat, dont les promesses de financement sur les trois exercices à venir dépendent de la capacité des décideurs polynésiens à tenir le rythme des réformes de fond : réforme de l’organisation par risque, réforme du cadre juridique et de gestion applicable aux trois régimes, réforme des prestations pour assurer la pérennité des régimes mais également d’une meilleure équité sociale.

L’année 2023 est une année particulière eu égard au calendrier électoral, toutefois cette réforme essentielle pour le maintien de la cohésion sociale et de la redistribution des richesses économiques, ne doit pas être tributaire des échéances politiques.

L’équilibre pérenne des comptes sociaux repose sur la prospérité du modèle économique polynésien, qui doit supporter des dépenses sociales à hauteur de 148 milliards FCFP sur 2023.

L’analyse des dernières enquêtes de l’ISPF est éclairante. Les chiffres détaillés de l’activité comme de l’évolution de l’emploi nous montrent combien les tendances et les trajectoires qui se dessinent sont favorables mais combien aussi ces redressements demandent constance et ténacité pour vaincre toutes les fragilités.

Pour ce qui est de l’emploi, on a franchi en 2022 le cap des 100 000 personnes qui occupent un emploi, soit 1 700 de plus qu’un an auparavant. Le nombre de chômeurs passe sous la barre des 10 000, en diminution de 6 200 depuis 2018. Pour la première fois depuis 2019, la création d’emplois est supérieure à la diminution du nombre de personnes souhaitant travailler (chômeurs et inactifs souhaitant travailler compris).

Deuxième fait saillant de cette année que je veux retenir : la mise en place de la loi de Pays de 2019 sur la protection et la promotion de l’emploi local. Avec la création de l’observatoire de l’emploi et la construction d’un Tableau des Activités Protégées en Polynésie, le TAPP.

Le TAPP 2023 sera effectif dès le 1er février. Ce sont 151 activités professionnelles qui ont été identifiées et qui seront réparties sur les trois niveaux de protection : renforcée/intermédiaire/ et minimale.

Opérationnel lors du dernier trimestre, le TAPP 2022 avait retenu 43 activités professionnelles protégées. Le bilan de ce trimestre écoulé fait ressortir tout d’abord que sur les 26.000 emplois pourvus en un an, près de 92%, soit plus 9 emplois sur 10, sont occupés par des personnes résidant sur le territoire depuis plus de 10 ans. Ce résultat est pour ma part, déjà satisfaisant. Néanmoins, nous devons accentuer nos efforts de formation et nous organiser pour approcher le taux maximum de 100 pour cent. En outre, 400 offres d’emplois protégés ont été publiées : 70% en protection renforcée ; 18% en protection intermédiaire et 12% en protection minimale.

Après sa période de rodage, le système monte rapidement en puissance. Les réunions de la Commission tripartite de l’emploi local, la CTEL, sont productives et l’observatoire de l’emploi se définit bien comme un atout essentiel pour l’efficacité d’une gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences en Polynésie française.

Les outils sont là, et notre volonté politique réaffirmée. Voilà bien la base, non seulement de mes vœux mais de nos engagements économiques pour 2023: Protéger efficacement l’ensemble de la population face à la hausse des prix. Soutenir et aider toutes les initiatives qui assurent le développement et la diversification des activités économiques et la protection de l’emploi local. Renforcer notre cohésion sociale, et l’unité de notre communauté par le renforcement des solidarités et Remettre la valeur travail au centre de la vie polynésienne n’est pas une simple mesure économique. C’est l’affirmation d’une volonté d’un cap politique.

C’est en trouvant sa place et son utilité sociale dans la vie de tous les jours que chaque Polynésienne et Polynésien exprime le mieux son intégration dans la société, ses aspirations et son envie collective de vivre la modernité. C’est grâce à cette reconquête par le travail que nous pourrons sauvegarder ce modèle social qui nous est cher

C’est dans cet esprit également que sera mise en place la refonte de tout notre système d’aides à l’emploi pour que soit favorisée l’insertion par le travail dans la vie sociale. D’où les objectifs ambitieux pour le développement de l’apprentissage (300 en 2023, 1000 en année de croisière), la modernisation du code du travail, les allègements de charges productives ou salariales les simplifications techniques ou administratives.

Je pourrais aussi parler des prochaines initiatives portées par le ministère de la solidarité et du travail sur l’insertion sociale par l’activité économique.

La priorité sera donnée à l’innovation en matière de temps de travail, et renforcement de la sécurité et de la santé au travail. Réduire les freins à la création d’emplois et renforcer la protection des salariés c’est la ligne que s’est donnée le gouvernement.

Enfin, rassurez-vous sur le débat en cours concernant la situation financière du CHPF, le Pays accordera, dès cette année, une dotation exceptionnelle en faveur de cet établissement central à la santé des polynésiens. Elle permettra de couvrir les singularités qui sont apparues récemment.

Me voilà de plain-pied dans la dimension politique de cette année 2023.

En effet, l’année qui vient de commencer sera une année d’engagement collectif, d’actions, encore et toujours. Fort de la confiance des Polynésiens, j’agirai jusqu’au dernier jour de mon mandat.

Dans moins de cent jours, nous aurons à élire une nouvelle majorité à l’Assemblée de la Polynésie française. Ce sera un choix majeur pour le pays, dans un contexte international trouble voire inquiétant.

Les Polynésiens choisiront un cap, un projet de société et une équipe pour l’atteindre. L’unité et la cohésion sans faille de l’équipage sont de mon point de vue des préalables, mais pas les seuls.

Je pense entre autre à : la nécessité d’être en phase avec les aspirations profondes du peuple polynésien, l’obligation d’exprimer pleinement sa solidarité et la volonté de lutter contre toutes les formes d’inégalités et contre toutes les injustices.

N’oublions pas que nous sommes l’une des collectivités les plus prospères et les plus stables socialement et politiquement de la région du Pacifique sud. Notre système électoral est conçu pour dégager une majorité. Le vote pour élire ses représentants n’est pas un post ou une story sur les réseaux sociaux.

Pour ma part, quelle que soit ma place, je continuerai à servir l’intérêt général, comme je l’ai toujours fait. J’ai toujours utilisé mes mandats électifs pour servir mon peuple et l’intérêt général.

Mes chers amis, nous avons travaillé sans relâche depuis plus de huit ans afin que la Polynésie française se modernise, développe sa souveraineté économique sociale et culturelle.

Je m’attacherai à faire avancer notre Pays dans l’unité, la stabilité et la paix. Mais pour y arriver, il faut que nous soyons dans une relation de confiance avec l’Etat. Il s’agit d’un véritable défi car pour certains, il est facile de prôner le chaos, d’opposer les générations, les catégories sociales, les origines.

En vous souhaitant une année 2023 pleine de bonheur et d’accomplissements personnels, je forme donc pour nous tous ce vœu : continuons à respecter nos différences, à avoir confiance en ce que nous sommes, à regarder avec courage, audace et lucidité notre avenir pour agir.

Décidons pour nous-même d’être tout à la fois enracinés dans notre langue, notre culture et nos valeurs. Restons tous ensemble animés par notre esprit de liberté, d’universalisme et de créativité.

Restons unis, bienveillants, solidaires, mais également ambitieux.

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