Président api: Moetai Brotherson engagé « pour vous servir »

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C’est la promesse que le candidat du Tavini huiraatira à la présidence du Pays, Moetai Brotherson, a réitérée ce vendredi matin à la tribune de l’assemblée de la Polynésie française, avant d’être officiellement désigné par les trente-huit représentants du camp bleu ciel.

Taui, acte 2. Après l’installation d’Antony Géros au perchoir jeudi matin, l’élection du président de la Polynésie française constituait l’autre temps fort de cette semaine politique à Tarahoi, dans le prolongement des résultats des élections territoriales 2023.

Sans surprise, le député Brotherson – qui va devoir passer l’écharpe tricolore à sa suppléante – a remporté haut la main cette élection interne, face à ses deux adversaires du jour: le président sortant Edouard Fritch avec 16 voix, et Nicole Sanquer représentant l’autre courant autonomiste A Here Ia Porinetia avec trois voix.

Pourtant, quatre représentants avaient officiellement fait acte de candidature quelques heures plus tôt dont le « hakaiki » (maire en langue marquisienne), Benoît Kautai, qui entendait ainsi porter haut la voix de ses administrés du bout du monde.

L’occasion pour lui de rappeler en préambule que l’archipel le plus au nord de la Polynésie française avait majoritairement (56% des suffrages exprimés) voté en faveur du Tapura huiraatira tant il s’agissait alors de souligner l’attachement profond des Marquisiens à l’autonomie dans la République française. Le tavana de Nuku-Hiva a également énuméré quelques-uns des projets d’investissement structurants en cours dans l’archipel comme la scierie du plateau de Toovie pour l’exploitation forestière, l’aménagement d’un second aéroport international ou encore l’inscription des Marquises au patrimoine mondial de l’Unesco. Et de lancer une mise en garde: « Nous souhaitons travailler avec le gouvernement mais aucun projet ne verra le jour sans notre contribution ». Cette nouvelle collaboration pourrait notamment jeter les bases d’un projet de décentralisation accrue avec l’octroi de nouvelles compétences en matière de gestion.

Une nouvelle ère ?

Autre candidate en lice, Nicole Sanquer, fondatrice du A Here Ia Porinetia avec Nuihau Laureu, n’aurait manqué pour rien cette monde cette tribune d’expression. Non pour espérer gouverner mais pour régler quelques comptes avec ses anciens amis. Autant dire qu’elle se délecte aujourd’hui de « tourner la page d’une gouvernance qui a échoué… », dénonçant une certaine « arrogance » de l’ancienne équipe à laquelle elle a pourtant participé durant plusieurs années. La (désormais) troisième vice-présidente de l’assemblée a également exprimé le voeu que « cette mandature soit une réussite », marquant « la naissance d’une nouvelle ère vers le progrès social ».

Voilà pour les encouragements d’une « opposition constructive » car, a t-elle aussitôt déclaré: « Nous devons rapidement passer à l’action! » Sauf qu’elle n’est pas au gouvernement et que le programme de AHIP, malgré quelques similitudes, n’est pas celui du Tavini huiraatira. Aussi, Nicole Sanquer en a profité pour dérouler un certain nombre de pistes de travail, à commencer par l’amélioration du pouvoir d’achat au travers la suppression de la TVA sociale. Sur ce point, question « timing », rien ne dit que le gouvernement Brotherson tirera un trait, du jour au lendemain, sur cette rentrée d’argent de l’ordre de 9 milliards de Fcfp par an. Mais AHIP a plus d’une recette dans son sac pour gouverner demain. Et de préconiser pêle-mêle la diminution des droits de douane, la redistribution des terres domaniales non utilisées, la réforme du système éducatif, la diminution des impôts et taxes ou encore la réforme de la défiscalisation. Pour ce qui est, en revanche, d’équilibrer le projet de budget 2024, on verra plus tard !…

La France, « une nation protectrice »

Bien plus concis dans son propos, « je ne veux pas vous ennuyer car je n’ai aucune chance d’être élu…, » a t-il ironisé, Edouard Fritch avait également des choses à dire. Avec simplicité, sans amertume, tant il est fermement décidé à mettre à profit ces cinq années « pour réparer nos propres erreurs ». Même s’il reste très vigilant à l’annonce des premières mesures prises par les nouveaux gouvernants…

Parmi les nombreux messages envoyés, l’un était adressé à l’Etat avec qui il a pu nouer « un vrai partenariat efficace » et ce, en pleine collaboration avec les trois hauts-commissaires qui se sont succédé ces neuf dernières années. A ce propos, il a exhorté le nouveau pouvoir à la modération: « Ne mordrons pas la main de celui qui nous donne à manger » ou encore « nous avons la chance d’avoir une nation protectrice ». Quant à ceux qui jugent la présence française responsable des problèmes économiques et sociaux rencontrés dans nos îles, Edouard Fritch a répliqué: « Ce n’est pas l’autonomie qui créée la misère, c’est la mauvaise gestion des dirigeants polynésiens qui a engendré cette catastrophe sociale ». C’est donc avec « la tête haute », fort de ses 56 000 militants et sympathisants, que le Tapura huiraatira achève cette mandature, bien décidé à peser encore de tout son poids sur l’échiquier politique.

Tolstoï ou comment changer le monde…

Pour clore « ce tour de table » relativement bon enfant dans l’hémicycle, le candidat déclaré du Tavini huiraatira a encore brillé par son sens de l »improvisation et de la décontraction. « Je suis venu sans discours écrit », a t-il avoué dans une logique de parler simplement, tranquillement.  Presque banalement, dirions-nous… sinon redire son désir « de vous servir et non de se servir ».

Il ne s’est pas non plus attardé sur le programme de campagne des indépendantistes qui se résume en trois mots: respecter, soutenir et bâtir. Par ailleurs, pour ajouter un peu de sel à son propos, il a cité l’écrivain russe Léon Tolstoï, résumé en ces termes: « Tout le monde pense à changer le monde, mais personne ne pense à se changer ». Serait-ce par hasard  et déjà un aveu que la tâche risque d’être plus compliquée que prévu au départ…? Aussi, tout juste a t-il bien voulu adresser ses encouragements à la jeunesse polynésienne, « l’avenir de ce pays » avant de réaffirmer son intention de « fleurir nos langues car sans elles, nous ne serions rien! »

Une: Photo @Tavini

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