Suppression du 29 juin: le signe d’un révisionnisme aussi primaire qu’inquiétant

0

Dans un long communiqué rédigé depuis Paris, et dont nous reprenons de larges extraits, le sénateur Teva Rohfritsch réagit à l’annonce de la suppression du 29 juin, jour férié en Polynésie française, aussitôt remplacé par la date du 20 novembre, et qui à ses yeux, illustre comment le voile se lève désormais sur le jeu du président Brotherson et de sa majorité Tavini huiraatira.

(…) Le Statut d’autonomie ne constitue certes pas l’idéal politique porté par le Tavini Huiraatira mais l’accession à l’autonomie polynésienne doit-elle pour autant être effacée des marqueurs de la Polynésie moderne ?

Célébrer le 29 juin, c’est rendre hommage aux pionniers de notre histoire récente, sans préjuger des choix à venir que feront les Polynésiens en toute liberté de penser et de voter ! Célébrer l’autonomie c’est en effet aussi célébrer le respect des valeurs démocratiques, les libertés fondamentales et le droit le plus strict à l’autodétermination des peuples qui nous sont garantis par la Constitution française. Le choix du 29 juin comme jour férié ne vient pas célébrer l’annexion d’un royaume par une autre monarchie en des temps bien anciens, mais marquer cette gouvernance nouvelle confiée aux élus du Fenua, voulue par les Polynésiens, concédée par l’Etat et le Parlement français, reconnaissant par ce biais, la singularité du territoire polynésien au sein de l’ensemble français.

A l’écoute des débats intervenus à l’assemblée de Polynésie, en supprimant le 29 juin, le Président Brotherson et le Tavini Huiraatira ne viennent pas simplement changer une date dans le calendrier des fêtes et cérémonies. Il s’agit clairement de supprimer toute référence officielle à l’action de ceux qui ont combattu pour l’affirmation d’une identité polynésienne forte au sein de la République française, au premier rang desquels Gaston Flosse, mais aussi Francis Sanford, ont pu s’illustrer. Sur fond de revanche politique pour punir les uns au bénéfice des autres, lorsque l’on cherche à gommer des faits importants de l’histoire d’un pays, c’est le pays lui-même que l’on vient affaiblir par la division des familles, le déracinement des générations et la stupeur d’une opinion ainsi grossièrement manipulée, en contradiction totale avec le discours « rassurant » du candidat Brotherson promettant lors de son élection, de repousser la question de l’indépendance à plusieurs décennies.

Le voile se lève désormais sur le jeu du Président Brotherson et du Tavini Huiraatira. Après l’annonce du projet de Constitution d’un Etat fédéral de Maohi Nui, le refus de toute consultation populaire en prétendant que « le peuple s’était déjà prononcé » en votant pour eux, l’activisme de leurs dirigeants aux côtés de l’Azerbaidjan sur la scène internationale et dans les commissions onusiennes, le projet d’indépendance de Maohi Nui que portent Moetai Brotherson et sa majorité Tavini Huiraatira, se découvre peu à peu comme sectaire et brutal. Une indépendance griffonnée dans l’ombre du pouvoir, comme le nouveau point zéro d’une frise temporelle pour un peuple Maohi api dont il faudra redéfinir l’histoire, la nature et les aspirations au travers du prisme unique du parti dont le président est élu à vie.

A quant la disparition du 14 juillet ?

Pourquoi s’attaquer avec autant de précipitation et de véhémence au 29 juin ? Pourquoi cette célébration hautement symbolique dans la construction de la société polynésienne moderne, doit-elle être absolument rayée des cartes et des agendas des Polynésiens ? Il est évident que le Président Brotherson et sa majorité Tavini Huiraatira ont choisi la politique de la terre brûlée plutôt que celle du débat et de la confrontation d’arguments pour préparer les esprits au grand saut vers l’indépendance à tout prix.

 En toute logique et avec une certaine cohérence, le Président Brotherson et sa majorité Tavini Huiraatira devraient désormais s’attaquer au 14 juillet, au 11 novembre 1918 et au 8 mai 1945, jours de commémoration et de fête particulièrement symboliques au sein de la République française. Mais sont-ils prêts à aller aussi loin et risquer de fâcher cette généreuse mère patrie dont ils finissent par mordre la main qui leur est tendue avec fraternité républicaine ?

Le 29 juin fait partie de la vie des Polynésiens depuis plusieurs générations et la célébration culturelle de la saison de l’abondance Matari’i i ni’a ne nécessitait pas la suppression de ce jour de fête symbolique pour le Pays. Il s’agit bien d’un prétexte pour effacer des mémoires cette date importante, sans l’assumer pleinement !

Le Président Brotherson et sa majorité Tavini renonceront-ils aussi brutalement à la Dotation Globale d’Autonomie, au troisième instrument financier, à la DGF pour les communes, à la rémunération des enseignants, des personnels de la justice, des policiers et des gardiens de prisons pour faire oublier ces autres signes marquants de notre autonomie ? Renonceront-t-ils dans ce même élan au contrat de développement, aux financements de la convention santé-solidarité, aux subventions pour l’Institut du cancer, aux partenariats pour la formation de nos médecins polynésiens, aux EVASAN vers l’IGR, ou encore au financement des infrastructures sportives pour les prochains Jeux du pacifique ? En somme renonceront-ils à tout ce qui matérialise quotidiennement notre autonomie, le vivre ensemble au Fenua sur fond de solidarité nationale et d’unité républicaine ? Renonceront-ils enfin à voyager en brandissant le passeport européen à Singapour, New York ou au Timor Leste? De toute évidence, NON.

Remettre en cause cette date du 29 juin, c’est faire preuve d’un révisionnisme à la fois primaire, absurde et inquiétant. C’est aussi révélateur de la priorité que donne le Gouvernement a des sujets bien éloignés des préoccupations des Polynésiens pour leur vie quotidienne. Le 20 mai marquera bientôt l’entrée dans le Matari’i Raro, Ce sera peut-être alors l’occasion pour le Tavini Huiraatira de célébrer ce que nous réserve au final cette indépendance masquée : la disette permanente, dont le jour ne sera ni férié, ni payé ! »

NB: l’intertitre est de la rédaction

Loading

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :