Tarahoi au chevet de la filière carotte de Tubuai

A l’ouverture de la troisième séance de la session administrative, demain jeudi 16 octobre à Tarahoi, le ministre de l’agriculture, Taivini Teai, sera officiellement saisi d’une question orale émanant de son propre camp politique, au sujet de la filière carotte de Tubuai qui peine à se professionnaliser comme en témoignent les nombreux rejets de production constatés dernièrement par la représentante Maite Hauata-Ah-Min. Un comble pour un gouvernement qui prône la souveraineté alimentaire et la défense des acteurs du secteur Primaire…
Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation préoccupante que connaissent actuellement nos agriculteurs de Tupuai, et plus particulièrement les producteurs de carottes.
Il y a quelques jours, une exploitation familiale de l’île a achevé sa récolte, totalisant 6 729 kilos de carottes. Or, après le passage à la trieuse, près de 6 tonnes ont été classées comme « rejets”. Les motifs invoqués relèvent principalement de défauts d’aspect : collets verts, petites tâches noires, traces de nématodes ou encore extrémités abîmées.
Si le contrôle de la qualité est nécessaire, il n’en demeure pas moins qu’une telle proportion de produits écartés interroge. Ces carottes demeurent parfaitement consommables et représentent le fruit du travail acharné de nos agriculteurs, des hommes et des femmes qui participent activement à la vitalité de notre agriculture locale à la préservation de nos savoir-faire, et à la construction de notre autonomie alimentaire.
Depuis 2024, la Société de Navigation des Australes — TUHAA PAE assure, par convention avec la Direction de l’Agriculture (DAG), la gestion de la structure de lavage, tandis que la Chambre de l’Agriculture et de la Pêche Lagonaire (CAPL) gère l’unité d’agro transformation. La convention avec la DAG impose à la SNA TUHAA PAE de fournir un produit trié et calibré, selon un cahier des charges fixé par la DAG, resté inchangé depuis plusieurs années. Cette exigence vise à garantir un produit de qualité pour la commercialisation sur Tahiti, mais elle place la SNA TUHAA PAE dans une position délicate, entre les attentes des producteurs et celles des consommateurs.
La filière carotte de Tubuai, pourtant emblématique de notre production agricole, traverse aujourd’hui une passe difficile. Malgré un dynamisme réel, avec plus de quarante agriculteurs engagés et la mise en place récente d’outils de transformation censés renforcer la valorisation locale, les difficultés s’accumulent. Les aléas climatiques ont lourdement affecté les récoltes : la production totale est estimée à seulement 400 tonnes en 2025, contre 620 tonnes en 2023, et certains producteurs ont subi des pertes allant
jusqu’à 90 %.
Face à cette situation, les agriculteurs de Tupuai ne demandent pas la charité, ils demandent une politique cohérente et responsable, qui reconnaisse la valeur de leur travail et qui transforme les contraintes en opportunités.
Monsieur le Ministre, comment pouvons-nous, d’un côté, promouvoir la souveraineté alimentaire et la valorisation des produits locaux, et de l’autre, accepter que des tonnes de denrées issues de nos terres et du travail acharné de nos agriculteurs soient gaspillées ? Comment justifier, alors même que nous disposons désormais d’outils de transformation sur place, qu’aucune stratégie claire de revalorisation ne soit mise en œuvre ? Il ne s’agit pas seulement d’un problème de tri, c’est un enjeu de politique agricole, de vision et de cohérence. Car derrière chaque denrée jetée, il y a des heures de travail, des familles qui se battent pour vivre de leur terre, une vision agricole qui mérite d’être soutenue et une filière qui incarne notre volonté d’autonomie alimentaire.
Aussi, ma question est la suivante : Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre afin de revaloriser les produits agricoles écartés du circuit de commercialisation ? Et plus précisément, quelles actions concrètes sont envisagées pour renforcer et mieux utiliser les outils de transformation existants, afin de valoriser ces productions hors calibre, limiter les pertes agricoles et soutenir concrètement les producteurs de nos archipels ?