10 octobre 2024

E. Fritch: « Le temps des doutes, de la méfiance ou de la défiance aux vaccins est révolu… »

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Nous publions dans son intégralité l’allocution prononcée ce matin à l’assemblée de la Polynésie française par le président Edouard Fritch en préambule de l’examen du texte portant obligation vaccinale pour un certain nombre de professionnels.

Plus de 1 600 nouvelles personnes affectées par le variant Delta de la covid en une journée, 7 700 cas actifs comptabilisés ce matin ou encore plus de dix nouveaux décès par jour.

Telle est aujourd’hui la réalité que nous devons affronter. Ce sont des chiffres qui montrent que notre situation sanitaire est devenue très problématique.

En deux semaines, le niveau de contamination a été multipliée par quatorze, je dis bien par quatorze. Cela traduit on ne peut plus clairement la forte aggravation de l’épidémie dans notre fenua.

La dernière vague épidémique du mois d’octobre 2020 s’était étalée sur deux mois ce qui nous avait permis de nous organiser afin de faire face à la situation.

Cette fois-ci, l’épidémie due au variant Delta se caractérise à la fois par sa contagiosité, sa rapidité d’expansion et son intensité.  

Cette situation hors norme met à l’épreuve nos moyens et nos infrastructures médicales, notamment celles du CHPF, mais aussi celles de nos structures publiques de Tahiti, de Moorea, et de tous nos archipels.  

La virulence du variant Delta a conduit à la saturation de nos moyens hospitaliers en moins d’une semaine, à tel point que nous sommes obligés de mettre en place de nouveaux lits d’accueil sur le mode « d’opération de campagne », dans tous nos hôpitaux.

Vous devez également avoir en tête qu’une journée d’hospitalisation en réanimation coûte entre 900 000 FCP à 1 200 000 FCP selon le type de protocole administré. Sachant qu’une personne en réanimation y séjourne environ un mois, cela fait un coût global de près de 30 millions de francs à la Caisse de Prévoyance Sociale pour un malade.

C’est cette situation d’urgence médicale qui nous a conduits à solliciter une aide sanitaire auprès de la Calédonie et auprès de la réserve sanitaire nationale.

A cet égard, le Président de la Calédonie, monsieur Louis Mapou, que j’ai appelé, m’a spontanément donné sa faveur pour aider la Polynésie. Huit agents médicaux sont arrivés hier de Calédonie pour nous prêter main forte. Je remercie, au nom des Polynésiens, la Calédonie et son Président pour cette main tendue à un moment difficile de notre situation.

En outre, la réserve sanitaire nationale nous a également accompagné par l’envoi immédiat de 16 agents médicaux arrivés dimanche soir de Paris. A cet effet, je remercie les ministres de la Santé et des Outremer, Olivier Véran et Sébastien Lecornu, et plus particulièrement le Président de la République, pour son attention et pour cette aide précieuse.

J’ai également lu dans la presse que le Député Moetai Brotherson a fait une démarche auprès de l’ambassade de Cuba en France pour l’envoi de médecins cubains. A cet égard, je ne pourrai que dire merci, si des médecins cubains venaient nous prêter main forte.

Mesdames et messieurs les Représentants, je voudrais également vous faire part d’une analyse objective de la vague épidémique actuelle.

Alors que le nombre de décès s’était stabilisé, nous enregistrons depuis le 1er aout, plus de 10 décès par jour.

Je le dis avec tristesse mais aussi avec gravité c’est que 98 % des personnes décédées sont non vaccinées

Cela signifie que leur vie aurait pu être épargnée.   

Ces chiffres et les analyses faites par les professionnels de santé nous démontrent que la vaccination nous protège des formes graves de la maladie qui peuvent conduire comme vous le savez maintenant au décès.

Aujourd’hui, la vaccination est donc la seule parade efficace qui est proposée au monde entier pour nous protéger de cette épidémie dont nul ne sait comment elle va évoluer et combien de temps elle va durer.

Plus le nombre de personnes aura été vaccinées, moins les hôpitaux seront encombrés, notamment des malades atteint du Covid, au détriment ne l’oublions pas, des autres pathologies qui sont par la force des évènements négligées en ce moment.

Vous aurez tous constaté que l’archipel des Marquises est peu affecté par le Delta et qu’il n’y a aucune hospitalisation liée au Covid. Il y a une raison à cela : plus de 90% de la population marquisienne est aujourd’hui vaccinée.

Je suis intervenu au mois de juillet dernier auprès du Président de la République pour que nous disposions de plus de vaccins. Ce vœu a été entendu et nous disposons en ce moment d’un stock important.

Ce stock est destiné aux Polynésiens. Nous devons les utiliser aussi vite que possible et donc vacciner un maximum d’entre nous. Je puis vous dire, d’ores et déjà, que l’Etat nous livrera à nouveau 15 000 doses de vaccins cette semaine. Utilisons-les.

Je vous le répète, le temps des doutes, de la méfiance ou de la défiance aux vaccins est révolu et dépassé.

J’encourage donc notre population à se rendre massivement à la vaccination.

Cela fait sept mois que nous comptons sur la bonne volonté des personnes, que nous comptons sur la responsabilité individuelle pour aller se faire vacciner.

Malgré nos appels incessants, malgré les campagnes télévisées d’information et de sensibilisation en faveur de la vaccination, cette bonne volonté a trouvé ses limites puisque le taux de vaccination est encore insuffisant.

 A ce jour, les taux de vaccination sont les suivants : 73,8 % des plus de 75 ans ; 68,1 % des plus de 60 ans ; et seulement 39,2 % des plus de 18 ans sont vaccinés.

Cette réalité de la forte reprise de l’épidémie a provoqué, très probablement, des sentiments de craintes au sein de notre population, et en particulier des jeunes. Le centre de tests installé à la présidence depuis une semaine, et qui a accueilli plus de 10 000 personnes, nous montre que ce sont essentiellement nos jeunes compatriotes qui se sont présentés volontairement à ces tests. Cette réalité ne m’étonne pas, puisque le virus variant agit plus sur le public non vacciné et comme je viens de vous le dire, c’est dans la tranche des plus de 18 ans que le taux de vaccination est le plus faible.

Face à cette crainte épidémique et de ses conséquences sur la santé de nos concitoyens, le nombre moyen d’injections est monté à 9 500 doses par semaine, soit plus du double du rythme habituel. J’applaudis. Ça y est, enfin, il y a une prise de conscience. Tant mieux.

Mais, ce rythme de 9 500 doses par semaine en primo et en seconde injection, n’est pas suffisant ; il n’est pas suffisant. Il reste près de 110 000 personnes à vacciner pour atteindre une immunité collective.

C’est pourquoi dans l’intérêt de notre communauté, j’exhorte nos populations   à suivre mes conseils et ceux du corps médical …la vaccination.

C’est en quelque sorte l’objet de la Loi du Pays qui vous est présentée.

Tout d’abord, son article 1er énonce un principe : toute personne exposée à un risque de contamination au virus de la covid-19 ou susceptible d’exposer un tiers à ce risque dans le cadre de son activité professionnelle doit être vaccinée.

La loi du Pays établit ensuite une obligation de vaccination pour certains secteurs déterminés :

  • Les professionnels de santé,
  • Les personnels des établissements et organismes accueillant des personnes fragiles ou en contact avec elles. Il s’agit des personnes âgées, des enfants, des adolescents et des personnes porteuses d’un handicap.
  • Les personnels des pharmacies,
  • Les personnels des activités et services de transport,
  • Les personnes intervenant dans certains secteurs sensibles dont l’interruption entraînerait des conséquences néfastes sur le fonctionnement du Pays ou affecterait la sécurité ou l’ordre public. Ce sont par exemple les pompiers d’aéroports ou les agents qui déchargent les navires de commerce,
  • Les personnes qui dans leur activité ne peuvent respecter les gestes barrières comme les masseurs ou les tatoueurs.

Sont également assujettis à une obligation vaccinale les personnes qui souffrent d’affections susceptibles de les conduire à développer une forme grave de la covid-19. Ce sont essentiellement les personnes en longue maladie, porteuses du carnet rouge.

Un arrêté pris en conseil des ministres viendra préciser le périmètre de l’obligation vaccinale. Le Conseil des ministres pourra également suspendre ce régime d’obligation en fonction de l’évolution de l’épidémie.

La loi du Pays fixe également les conditions dans lesquelles les personnes assujetties pourront justifier de leur statut vaccinal ainsi que les mesures de contrôle. Elle instaure enfin un droit à bénéficier d’une autorisation d’absence pour se faire vacciner ou pour accompagner un mineur ou majeur protégé à la vaccination.

Les personnes soumises à l’obligation vaccinale disposent d’un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi du Pays pour se mettre en conformité. A défaut, elles s’exposent à une amende administrative de 175 000 F CFP ou à une majoration du ticket modérateur lorsqu’il s’agit des personnes en longue maladie.

Compte tenu de l’urgence, la loi sera promulguée dès son adoption.

Je sais que ce texte sera contesté par certains qui y verront un texte attentatoire aux libertés publiques.

J’ai bien entendu le discours de certains qui pensent qu’il vaut mieux convaincre que contraindre. Je peux partager cette opinion. Mais il faut bien être conscient que les pouvoirs publics, les responsables des services de santé, les responsables politiques, les organisations patronales, certaines autorités religieuses, ont mené une campagne active pour inciter à la vaccination. Il reste encore des personnes qui préfère s’abreuver de fake news sur les réseaux sociaux ou encore des individualistes forcenés qui brandissent leur liberté individuelle.

Nous vivons dans une communauté organisée. Et quand la communauté est en danger, il revient aux élus de prendre des décisions qui peuvent être contraignantes.

Nous avons été élus pour prendre des décisions. C’est le mandat qui nous a été donné par le peuple. Et que ceux qui, dans cet hémicycle, demandent ma démission se saisissent des outils qui sont mis à leur disposition par la loi statutaire. Je suis un démocrate et je suis prêt à me soumettre aux règles de la démocratie.

En pareille circonstance, la responsabilité politique doit surtout nous inciter à ranger les arguties politiciennes pour nous concentrer sur la préservation de la santé de nos concitoyens.

C’est la raison pour laquelle j’ai sollicité du Haut- commissaire, le renforcement pour les quinze prochains jours, des mesures de restrictions prises en début de semaine tendant à casser, à stopper la propagation du virus Delta en Polynésie française.

Ces mesures aujourd’hui ne sont plus adaptées compte tenu de l’évolution sanitaire et des conséquences sur nos structures publiques et sur la santé de nos populations.

J’ai visité cette semaine, le CHPF et nos deux centres déconcentrés de Raiatea et de Moorea. Elles sont en alerte maximale et en surchauffe d’activités.

Non, cette situation est insupportable, insoutenable pour nos personnels soignants, situation indigne pour nos malades et nos familles.

Oui, ce sera un coup supplémentaire porté à notre économie. C’est certain, nous trouverons les moyens financiers pour faire face.

De même que la propagation du virus Delta au sein de nos établissements scolaires sur les 2 derniers jours, tant pour le corps enseignant que pour nos enfants, nécessite une réaction forte de notre part.

Nous fermerons nos établissements scolaires du 1er et du 2nd degrés, tout en assurant la continuité pédagogique de nos enfants dans le primaire et le secondaire, dès lundi.

Je reconnais que cette décision peut être critiquée, mais la progression constante et forte de l’absentéisme constaté ces dernières 48 heures, nous laisse augurer de mauvais présages pour les jours à venir.

Chers amis, chers représentants, je sais que je peux compter sur votre sens de la solidarité et sur soutien pour approuver unanimement ce texte qui nous aidera à sortir plus rapidement de l’une des périodes les plus sinistres de notre histoire récente.

Mauruuru.

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