Gestion de la crise sanitaire: « Le gouvernement est en responsabilité et il lui appartient de faire des choix », écrit E. Fritch

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Dans une lettre ouverte adressée au Tavini Huiraatira et en particulier à l’élue indépendantiste à l’assemblée de la Polynésie française, Eliane Tevaahitua, le président du Pays, Edouard Fritch, remet les pendules à l’heure sur la question de la crise sanitaire en cours et des choix faits en la matière par le gouvernement pour limiter la propagation du coronavirus, invitant in fine l’intéressée à mesurer ses « propos acerbes » et autres contrevérités.

Le Tavini Huiraatira, sous la plume de la représentante et porte-parole Eliane Tevahitua, a tenu à m’interpeller au travers d’une lettre ouverte sur la gestion par le gouvernement de la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid 19.

Cette lettre est pétrie de haine et de rancœur à mon égard, pleine de certitudes, au point finalement de me rendre responsable des décès liés à la pandémie.

Avec raison, vous soulignez que la Polynésie française détient des « records sanitaires peu enviables » en matière d’obésité, de diabète, de longue maladie… Je ne pense pas toutefois, comme vous l’affirmez, que ces fléaux sanitaires ne touchent que les plus pauvres d’entre-nous. Tout notre Fenua est affecté. Mais il est certain que dans le contexte actuel de la pandémie, ces affections sont facteurs de comorbidité.

Faut-il pour autant, comme vous le faites, en accuser le gouvernement. Je ne décèle pas dans vos propos le moindre sentiment de responsabilité vous concernant. Auriez-vous assisté, sans rien faire, durant toutes vos années en responsabilité à l’explosion de ces maladies ? La porte-parole longuement en charge de la santé des femmes polynésiennes et de leurs bébés, n’a-t-elle rien fait ? Vous êtes-vous abstenus faire de la prévention ? En tout état de cause, s’il y a un échec en matière de prévention, vous ne pouvez pas vous exempter de responsabilité en la matière.

Non, je ne suis pas à court d’arguments quand j’invite tous nos concitoyens à assumer leurs responsabilités et à mettre en œuvre les gestes barrières pour limiter la propagation du virus. Vous m’attaquez sur ce point, mais je ne vois nulle part votre volonté de promouvoir les bons gestes. Je ne vois que dénigrement.

Je ne m’étendrais pas sur le pseudo cluster qui aurait été généré par les élections sénatoriales. Là encore, vous avancez des certitudes sans pouvoir les étayer.

Vous avancez de la même manière des données pour le moins fantaisistes concernant d’autres pays qui auraient pris des mesures de nature à limiter la propagation du virus. Ainsi, vous citez l’exemple des Maldives qui, selon vous, n’enregistrent « à ce jour que 768 cas de Covid actifs pour 550.000 habitants » et qui auraient mis en place des mesures permettant de restaurer la confiance des visiteurs.

Une brève recherche sur internet permet de dire que les Maldives, qui comme la Polynésie ont rouvert leurs frontières à la mi-juillet avec l’obligation d’un test négatif 72h avant l’arrivée, avaient enregistré début septembre (dépêche AFP du 2 septembre 2020) 8003 cas et 29 décès, pour une population de 557.000 habitants et 40.000 touristes depuis le 15 juillet. Au 10 novembre, selon le site www.cascoronavirus.fr, les Maldives comptaient 12.030 cas confirmés et 41 décès, ce qui est comparable à la situation en Polynésie française.

Pour ce qui est des mesures permettant de rassurer les visiteurs, notre destination a été l’objet de nombreux articles positifs sur le protocole sanitaire mis en place par la Polynésie française, rassurant ainsi les partenaires et visiteurs. Au-delà du protocole sanitaire, les dispositifs d’accompagnement sont salués par les voyagistes et les visiteurs.

Vous évoquez également l’exemple de Fidji qui aurait mis en place un dispositif de traçage par téléphone des visiteurs dont nous devrions prendre exemple. Je vous rappelle que les voyageurs qui ne sont pas résidents de Fidji ne peuvent pas entrer dans le pays qui ne compte officiellement plus de cas de coronavirus depuis le mois de juin. Les frontières aériennes du pays restent fermées. L’aéroport international de Nandi est fermé. Seules les arrivées pas voie maritime sont autorisées. Aucun protocole de traçabilité n’a été mis en place.

Une étude réalisée par le ministère du Tourisme de Fidji démontre l’impact négatif de l’isolement de la destination sur l’industrie du tourisme et l’économie en général.

La FAO (Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture) étend cette démonstration à d’autres pays du Pacifique dépendants du tourisme tels que Samoa, Tonga, les îles Cook et le Vanuatu. Au-delà de l’impact économique, les conséquences au niveau de l’approvisionnement alimentaire seront importantes.

Vos affirmations sont donc pour le moins erronées, ce qui va de pair avec la mauvaise foi qui caractérise vos écrits.

Contrairement à ce que vous insinuez, la réouverture de nos frontières était une nécessité économique et la plus grande partie des Polynésiens l’ont bien compris. Le tourisme représente 20.000 emplois directs et les mesures mises en place ont permis de maintenir la majorité de ces emplois et d’éviter de nombreuses faillites.

Et là encore, contrairement à vos affirmations péremptoires, la Polynésie n’est pas désertée par les visiteurs. Depuis le 15 juillet, nous avons accueilli plus de 30.000 touristes, permettant à nos hébergements d’enregistrer des taux d’occupation allant de 35 à 65%. Cela vous paraît peut-être dérisoire, mais pour nombre d’opérateurs ce flux est une réelle nécessité.  

Les faits sont têtus et les tour-opérateurs comme les touristes en provenance d’Europe ou des Etats-Unis ne se sont pas détournés de notre destination depuis la réouverture de notre ciel. C’est la preuve que nous avons fait un choix cohérent, porté et assumé avec sérieux par nos acteurs touristiques. Il est vrai que le confinement décrété en métropole va considérablement handicaper cette tendance et engendre déjà des annulations de réservations pour cette fin d’année.

A l’instar des Maldives et des rares destinations touristiques qui ont rouvert leurs frontières, la situation économique et sociale de la Polynésie française est aujourd’hui bien meilleure que celle de destinations voisines qui restent fermées en attendant avec beaucoup de mal le secours absent des grands frères Neo-zélandais et Australiens.

Vous mettez également en cause la gestion au sein des établissements scolaires. Vous suggérez notamment de dédoubler les classes, ce que nous avons déjà expérimenté, tout comme la continuité pédagogique. Nous n’avons pas encore le recul nécessaire sur ces expériences, mais des études nationales ont été menées sur la question, dont celle qui vient d’être publiée par le ministère de l’Education nationale, et mettent en lumière une accentuation du décrochage scolaire, surtout dans les milieux défavorisés.

Vos propos acerbes et les contrevérités que vous assénez ne sont pas dignes d’élus. Le gouvernement est en responsabilité et il lui appartient de faire des choix. Il me semble d’ailleurs, compte-tenu des échanges que nous avons eu à l’Assemblée de la Polynésie française, que votre groupe Tavini Huiraatira a partagé notre décision de rouvrir les frontières, tout comme les maires de Polynésie française qui sont eux-mêmes mobilisés pour lutter contre la pandémie.

Je vous invite à participer à l’effort collectif et à user de votre position pour combattre la propagation du virus plutôt que d’être source de division de notre peuple.

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