La reconnaissance de la Nation envers une grande dame

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Mardi 5 février 2019 à Paea, une grande dame s’en est allée comme elle avait vécue, en toute discrétion entourée de sa famille, de ses proches et des anciens combattants dont elle était la doyenne.

Philippe Leydet, directeur du service de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre de Polynésie Française, représentant madame Rose-Marie Antoine, Directrice générale de l’ONACVG et le contre-amiral Laurent Lebreton à la tête d’une forte délégation des forces armées témoignaient par leur présence de la reconnaissance de la Nation envers cette grande dame.

En effet, ce n’est pas sans une très grande et vive émotion, que lundi matin, le monde combattant Polynésien a appris le décès de Lucette Huck, née Vidal.

Les témoignages d’affection, de soutiens et prières adressés à la famille sont parvenus de toute la Polynésie au service de l’ONACVG.

Mais qui donc était cette dame ?…

Lucette VIDAL était née le 17 août 1923 à Neufchâteau dans les Vosges

Fille de Jean Vidal, ingénieur des ponts et chaussées affecté en Indochine, elle y passa son enfance jusqu’en 1942. Son papa ayant des opinions gaullistes, le 17 avril 1942, des proches lui conseillent de s’éloigner d’Hanoï et la famille part s’installer à 620 km au Nord-Est, à Fort-Bayard sur la presqu’île de Kouang Tchéou Wan. Territoire d’où il fera passer de nombreux sympathisants gaullistes vers la Chine.

Suspectée par les services Vichystes, la famille passe à son tour la frontière le 31 juillet 1942, à la veille de leur transfert à Saigon. Le passage s’effectue par la ville frontière de Tché-Kam, séparée de la Chine, par  « …un petit fleuve de rien du tout… » (Voyage en Chine de Nicole Vidal ta sœur).

Lucette, rejoins les F.F.L. à Tchoung-King après quarante-et-un jours d’un périple de 1 276 km en voiture, en chaise à porteur, en train, à pieds et en avion.

Du 15 septembre au 19 décembre 1942, elle est secrétaire à la Mission Militaire de la France Combattante sous les ordres du Lcl Émile Tutenges qui venait d’aider le colonel Leclerc à rallier le Cameroun à la France Libre.

Le 23 décembre 1942, elle décolle à destination du Liban pour y signer un engagement militaire. Elle arrive à Beyrouth fin février 1943 après un arrêt forcé à Calcutta aux Indes et au Caire en Égypte, soit après un voyage d’environ 10 187 km effectué en dix mois !

Le 3 mars 1943, elle s’engage dans les Forces Françaises Libres et rejoint l’hôpital de Damas comme stagiaire infirmière de 2° classe à compter du 18 mars 1943. Major de sa promotion, elle est diplômée infirmière le 10 juillet 1943.

Le 26 août 1943, elle est affectée à la formation chirurgicale de Mme Catroux l’épouse du général et ancien gouverneur général de l’Indochine qui fut l’officier le plus gradé à rallier le général de Gaulle. Après avoir fait la campagne d’Afrique du Nord en suivant notamment le bataillon du pacifique, elle arrive en Algérie.

Le 21 novembre 1943, elle débarque à Naples, rejoint la Formation Chirurgicale Mobile (F.C.M.) n°2 à Rocaravindola et fait toute la campagne d’Italie jusqu’à Sienne le 3 août 1944. Infirmière militaire, dans l’horreur des combats, elle assiste, soutient et réconforte, comme une mère le ferait, les blessés.

Après un bref séjour à la maison de convalescence de Fort de l’Eau à Alger, elle revient en Italie à l’hôpital territorial de Pozzuoli . Le 25 novembre 1944, elle débarque enfin à Marseille.

Elle suit la 1ère armée française du général de Lattre de Tassigny, participant à toutes les campagnes de celle-ci le long de la vallée du Rhône, en Alsace puis enfin en Allemagne où le 5 avril 1945, elle est réaffectée à la F.C.M. n°.2 à Langenbrücken (Allemagne) après avoir passé le Rhin à Spire.

Fin juillet 1945, elle rejoint Luzarches en France.

Après un bref séjour en métropole, elle part volontaire pour l’Indochine sans signature d’engagement, engagement qu’elle signera en arrivant en Indochine. Elle débarque le 31 mars 1946 à Saïgon et foule le sol de l’Indochine pour la première fois depuis quatre ans et demi.

Nommée AFAT 2°classe 1er échelon (lieutenant) le 1er novembre 1946, elle se marie avec Charles Huck le 28 janvier 1947. De cette union naîtront trois enfants Charles, Jean-Christophe et Titaua.

Employée au centre de convalescence de Dalat, elle est démobilisée le 17 avril 48 en pleine guerre d’Indochine. Mais elle ne quitte pas de suite la colonie et y représente officiellement l’épouse du Général Catroux pour les œuvres sociales de 1947 à 1951.

Arrivée à Tahiti en mai 1951, elle en tombe amoureuse. Dès 1952, elle y exerce diverses responsabilités dans des associations à vocation sociales :

  • Secrétaire Générale et trésorière de l’association de la France Libre et de l’Union National des Combattants
  • Présidente de l’association sportive « AS MANU URA » de Paea
  • Secrétaire et trésorière du comité territorial des Sports -CTS
  • Trésorière dans l’association « TE HUI TAMA NO TE KAIGA3
  • Ministre de l’Eucharistie dans l’Église Catholique
  • Membre actif du secours catholique

Elle va notamment participer à la promotion et à l’éducation des enfants des Atolls de Reao et Pukarua. Toujours active pour la jeunesse, elle s’investit dans la formation et la réinsertion sociale des jeunes polynésiens. Elle aide dans le développement agricole des îles Acteon (Tuamotu EST) et ses temps libres sont consacrés à la visite des plus démunis et à ceux qui souffrent, malades et personnes âgées.

Citation de Lucette VIDAL

Ordre n°1 du médecin commandant Baumann approuvé par décision 127TI du 9 juillet 1944.

« … Jeune infirmière, évadée d’INDOCHINE, volontaire pour les C.E.F. Type parfait de la jeune française qui se fait remarquer par son allant, son dévouement et son gai courage depuis le début de la campagne d’Italie. A travaillé sans trêve ni repos avec son équipe chirurgicale au cours des offensives de janvier et de mai 1944.

A fait preuve du plus grand sang froid au cours des bombardements du GARIGLIANO, d’ESPERIA et d’AMASANO… »

Jusqu’à ce triste lundi 4 février 2019, Lucette était l’ancien combattant de la seconde guerre mondiale vivant en Polynésie Française le plus décoré.

Avec elle, c’est une page d’histoire du Fenua qui disparaît.

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